L’économie Circulaire : une opportunité de croissance pour les Retailers

Depuis plusieurs années, les Grandes Enseignes Françaises se sont appliquées à œuvrer pour une Distribution plus Responsable. Elles ont mis en place différentes actions motivées à la fois par le niveau de maturité de la société civile mais également par un cadre législatif de plus en plus impliqué sur la protection de l’homme et de la planète (cf. notre article « Quels sont les fondements d’une politique Achat RSE).

Après 2 grandes phases d’action sur les emballages et sur l’intégrité des produits, la Responsabilité Commune s’attache aujourd’hui à la notion de conception et d’utilisation durables de tous les produits jusqu’à la fin de vie de ceux-ci.

Cette 3ème phase est portée en France par la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la Lutte contre le Gaspillage et à l’émergence d’une économie circulaire.

Mais comment cette nouvelle étape se concrétise-t-elle dans le Retail Français ?

Achat responsableLe driver principal de l’application concrète de l’Economie Circulaire porte évidemment sur la nature des produits distribués : consommables ou non.

Sur cette base, il apparait logiquement que les enseignes à forte dominante alimentaire se soient concentrées sur l’éco conception des produits, la recherche permanente de réduction des emballages voire la ré activation de la bonne vieille consigne. Monoprix par exemple se positionne en leader sur le sujet car au-delà des bouteilles de verre, l’enseigne teste aujourd’hui la consigne des petits pots bébé.

Nous constatons également aujourd’hui dans les enseignes conventionnelles le développement du vrac, aussi bien sur des rayons coutumiers du genre (céréales, féculents, graines…) mais aussi sur des produits d’hygiène et de droguerie. A ce titre la loi anti-gaspi participe au développement de la vente en vrac puisque depuis le 1er janvier, les distributeurs présentant des rayons vrac ne peuvent refuser l’utilisation du contenant personnel du client (sous réserve de propreté).

D’un autre côté, les distributeurs dont la part de produits Non Alimentaire est conséquente voire exclusive, se sont lancés sur un marché qui était en train d’exploser et de leur échapper : le marché de l’occasion.

Chez les Généralistes, c’est le mouvement Leclerc qui a lancé la danse en créant dès 2018 un espace occasion, particulièrement orienté sur l’électroménager et le high tech.

Il est depuis suivi par les autres enseignes et justement Carrefour vient d’ouvrir son 8ème espace d’occasion quand U le teste sur 3/4 PDV.

Cette activité crée du trafic, une offre parfois absente des rayons traditionnels, et du CA additionnel car le client se voit remettre un bon d’achat valable sur l’ensemble du magasin.

Certaines enseignes vont activer uniquement certains rayons comme Cora qui se lance dans le textile d’occasion avec Patatam ou l’Electro Ménager et autre bazar avec Easy Cash

Attention : ne confondons pas le marché de l’occasion et la proposition de collecte de produits usagés. En effet, la collecte de produits usagés fait partie intégrante de l’Economie Circulaire mais souvent les produits intègrent un réseau spécifique de vente de la Seconde Main. Chez les Spécialistes, l’univers du textile s’est engagé rapidement : H&M a été un des précurseurs en reprenant d’anciens vêtements contre bon d’achat.

Cela étant, certaines enseignes n’hésitent pas à consacrer des espaces dédiés dans leur magasin aux collections d’occasion comme Okaidi et Jacadi.

IKEA s’est également lancé très tôt dans la reprise mais uniquement sur ses propres collections avec un procédé assez long de photographie, validation…processus normal au vu de l’aspect pondéreux des produits. En revanche comme ZODIO, les 2 enseignes ont mis en place de la reprise de linge de maison au kilo (mais toujours sous certaines conditions), ce qui bien orchestré leur apporte de l’attractivité sur certaines opérations : typiquement au moment du blanc.

Quant aux fournisseurs d’électro ménagers, ils s’étaient positionnés depuis très longtemps sur la réparation (le contrat de confiance Darty) mais se sont lancés maintenant dans l’occasion, ce qui leur est d’autant plus facile, voire rentable, puisqu’ils reprennent d’anciens produits chez les clients !

Cela étant tous les retailers spécialistes ne s’y sont pas essayés (ou certains fabricants distributeurs), ce qui paraît très surprenant d’ailleurs sur certains secteurs : la bijouterie, la puériculture, les robes de mariées ….

Mais au-delà de l’occasion, aujourd’hui la société se tourne franchement vers l’économie d’Usage ou de Fonctionnalité.

L’économie de la fonctionnalité peut se définir comme un système privilégiant l’usage plutôt que la vente d’un produit. Elle vise à développer des solutions intégrées de biens et services dans une perspective de développement durable. Ainsi, l’échange économique ne repose plus sur le transfert de propriété de biens, qui restent la propriété du producteur ou du distributeur tout au long de son cycle de vie, mais sur le consentement des usagers à payer une valeur d’usage.

Elle se différencie du concept de Location qui était jusqu’à présent réservé à des besoins d’ordre exceptionnel (une voiture, des vélos sur l’ile de Ré, un déguisement…).

Peu à peu ces dernières années, les raisons du recours à la location ont évolué :

  • la problématique du pouvoir d’achat est venue apporter de l’eau au moulin des vendeurs (la réglementation des crédits à la consommation s’est durcie)
  • la volatilité des consommateurs : « je veux pouvoir essayer et avoir toujours l’objet dernier cri »
  • la responsabilité : « puis je partager au lieu de détenir en nom propre »

Ces évolutions ont permis aux consommateurs d’envisager l’usage plus que la propriété sur de nouvelles catégories de produits : la hifi, la téléphonie, l’électroménager… : la notion de l’usage est rentrée dans le quotidien des consommateurs.

C’est ainsi que les services de location réservés à quelques spécialistes se généralisent dans les grandes enseignes. Mais plus exactement s’adaptent aux grandes enseignes : cette adaptation se matérialise par la forme du contrat qui lie l’enseigne à son client : l’abonnement.

Les enseignes d’électro ne s’y sont pas trompées et une enseigne comme Darty par exemple propose aujourd’hui une vaste gamme de produits : de l’aspirateur, au dernier smartphone en passant par le vélo électrique…

Le « Petit Ballon » permet aux amateurs de vins de recevoir régulièrement une sélection de bouteilles sans devoir s’informer pour découvrir de nouveaux horizons. Et nos adolescentes se sont déjà emparées de la facilité que leur proposent des sites comme My Little Box !

Plus surprenant encore, des produits encore plus personnels : des articles de sport !

Décathlon teste actuellement en Belgique plusieurs formules d’abonnement. Cette transformation nécessite réflexion et pilote pour les Enseignes qui sont amenées à réfléchir leur organisation, leur process, leur périmètre de responsabilité…et leur business model !

Mais sur ce dernier point, l’affaire semble être bonne ! A priori, la location, articulée autour de l’abonnement, permet une excellente performance économique au vu :

  • de la relative saturation de l’abonnement par le consommateur,
  • du dépôt de garantie pour pallier la détérioration du matériel,
  • de la réutilisation du matériel sur la base d’un stock ajusté,
  • et bien sûr de la « négligence » du consommateur qui au fil de temps devient de moins en moins assidu (les salles de sport en ont fait la démonstration depuis longtemps).

A ce titre, que la notion d’abonnement soit le nouvel El Dorado de la performance économique des organisations ne fait pas franchement débat puisque certains éditeurs de logiciels se spécialisent sur la gestion des abonnements des entreprises (la société ZUORA en partenariat avec l’INSEAD par exemple).

Alors, pourquoi pas le Retail, qui n’est pas l’ennemi de sa propre performance économique !

Après l’occasion, la location ou l’abonnement, quelles pourraient être les autres évolutions majeures du Retail ?

Crédit @FreepikLe retail est par essence Libre-Service.  Il a donc fallu calibrer et emballer les produits pour cette forme d’automatisation. Or cette démarche génère des milliards de tonnes d’emballage superflus. On imagine que le vrac puisse être la solution mais la casse et la démarque inconnue restent beaucoup trop importantes et certains produits ne s’y prêtent pas totalement ! Alors quoi ? La fameuse et vieille vente au comptoir pourrait-elle être la solution ? Certes, elle engagerait une augmentation impactantee de la masse salariale mais elle s’inscrit parfaitement dans une nouvelle expérience du parcours client et devient envisageable pour le modèle d’hyper qui s’adosserait à un schéma darkstore !

Une autre piste à suivre pour renforcer l’Economie Circulaire pourrait être celle d’un soft discounter militant qui aurait des gammes réduites et des cahiers des charges drastiques et surtout qui pourrait s’autoriser des postulats de changements de mode de consommation : des bacs de brosse à dent sans emballage ou des MDD révolutionnaires avec du dentifrice solide : le distributeur est un acteur des évolutions de mode de consommation.

Et pour terminer, le Retail doit se tourner vers la prestation de service : les jardineries vers des prestation d’entretien (tu n’achètes plus une tondeuse, tu demandes un jardinier), le bricolage avec des ateliers de découvertes et des travaux sous-traités.

Cependant, les grands Généralistes restent confrontés à cette notion de consommable ! Sans le savoir, ils ont amorcé la tendance il y a quelque temps en développent dans le concept hyper urbain des espaces de restauration, au départ pour répondre à une clientèle plus nomade, qui déjeunait à l’extérieur. Après avoir proposé de la restauration dans le point de vente, comment proposer cette restauration dans les foyers ? le développement de plats préparés cuisinés par des vrais chefs en point de vente (Monoprix propose déjà par exemple des paniers comprenant l’intégralité des éléments d’un repas, un peu sur le modèle de Quitoque)

Ainsi, cette nouvelle façon de vivre l’approvisionnement alimentaire des ménages nous reviendrait très chère !!! Et la multiplicité des abonnements pour également devenir le cauchemar de la trésorerie des ménages !

Il y aura donc sans doute toujours un équilibre à trouver entre abonnement, service et propriété !

Par Catherine Fedrigo