Les 60 ans de l’hypermarché : un anniversaire en demi-teinte

C’est un anniversaire qui fait grand bruit que celui des 60 ans de l’hypermarché, mais qui s’avère en demiteinte vue la crise que ce format de magasin connaît ces dernières années. 

Naissance du modèle

Le 15 juin 1963 marque l’une des plus grandes dates du commerce français. Face à un parking de 250 places se dresse un magasin sans façade de 2500m2. 

Il porte le nom de « 1er grand magasin à libre-service ». Il est érigé en 6 mois, en rase campagne dans l’Essonne par la société créée 4 ans plus tôt par les familles Fournier et Defforey. Il n’a coûté – mobilier inclus – que 1400€ actuels du m2.  

Il dispose d’une réserve de 1700m2, qui, pour la première fois est accolée à une station-service, laquelle jouera fortement dans l’engouement de la clientèle. Les 5000 références, affichant des prix inférieurs de 15 à 20% par rapport à la concurrence ont attiré des clients dans un rayon de 30 à 40km.  

Les Français découvrent une nouvelle manière de faire leurs courses : pour la première fois, un magasin propose tout sous un même toit, du frais, du sec, des liquides, du bazar, des meubles, etc… 

Le succès est immédiat et le magasin sera amorti en 3 ans. 

L’essort de ce type de commerce se généralise en France et se développe mondialement.  On compte à ce jour plus de 2100 hypermarchés en France et des dizaines de milliers dans le monde. 

S’il reste dominant, le concept est très chahuté depuis quelques années. 

L’hypermarché dans la tourmente

La société évolue : la multiplication des foyers monoparentaux et le vieillissement des ménages remettent en cause le « plein » de courses hebdomadaire.  

Les foyers de 2 personnes rechignent à prendre leur voiture pour faire les courses et les supermarchés de proximité travaillent à la baisse des prix grâce notamment aux marques propres. Les hard discounters sont apparus et rivalisent férocement. 

L’extension urbaine a augmenté le prix des terrains et les coûts fixes des hypermarchés ont grimpé en flèche. L’hypermarché est devenu fatigant, trop loin, trop grand, trop cher parfois.  

De plus, le citoyen sensibilisé au développement durable s’étourdit moins dans la société de consommation.  Enfin, Internet bouscule encore un peu plus ce modèle. 

Nouveaux acteurs contre anciens modèles

De nouveaux acteurs très agressifs ont fait leur apparition tel Amazon Fresh. Le géant d’Internet qui souhaite avoir le monopole des transactions commerciales s’attaque à l’alimentaire qui représente le 2ème poste de dépense des ménages, juste après le logement. 

Grâce au rachat de Whole Food en juin 2017, Amazon a complété ses connaissances dans ce secteur et lancé sa marque en 2020. 

En Chine, JD.com est numéro 2 derrière Alibaba. Il vise une clientèle jeune, responsable, et ultra connectée. Dans ce pays qui a connu beaucoup de scandales alimentaires, la traçabilité des produits est un enjeu majeur : 50% des achats se font sur internet et les clients peuvent aller collecter leur marchandise ou se faire livrer par l’un des véhicules électriques assurant près de 100 dessertes par jour. 

A ce jour, une vente sur 10 en alimentaire en Chine se fait hors magasin.  

Les enseignes historiques doivent réduire leurs coûts et s’adapter aux nouvelles tendances. 

Ainsi, Casino a lancé un darkstore, REAL abrite plus de 30 000 employés en sursis, Carrefour a dû se séparer de 3000 collaborateurs et Auchan de 700. 

Source : LSA Conso – La croissance se poursuit

S’ils sont malmenés côté grandes surfaces, Carrefour et Casino ont su s’intégrer dans le commerce de proximité. Ils se partagent tout de même 70% des surfaces et 71% du parc sur le territoire français.

Si le modèle qui a fait fureur dans les années 60 s’essouffle, il convient toutefois de nuancer le propos. En effet, Carrefour détient toujours plus de 50% des parts de marché et près de 94% des ménages français font leurs courses en hypermarchés au moins une fois par an. La très grande surface résiste car elle affiche toujours des prix bas sur une large gamme de produits, et reste le circuit des jeunes familles et des moins aisés.  

Ces dernières années ont vu apparaître la volonté de personnaliser l’offre et de rendre le parcours client le plus innovant possible tels les corner shops ou les espaces multi-services. L’inventivité semble payer. 

Par Claire Jagodzinski